Dans un train / Judith
- lecameleon83
- 4 juin 2020
- 3 min de lecture
Atelier d’écriture du 20 mai 2020, animé par Daijna
Thème : "Dans un train"
Longueur du texte entre 300 et 500 mots

Dans un train
"Le TGV en provenance de Marseille va entrer en gare. Éloignez-vous de la bordure du quai, s'il vous plaît".
Et pendant que la douce voix enregistrée de la SNCF égrène les gares où le train s'arrêtera, une vieille dame vérifie, encore une fois, les numéros de la voiture et de la place qui lui ont été attribués : voiture 8, place 53.
Aujourd'hui, elle n'a pas oublié de composter son billet. Même qu'elle a dû s'y reprendre à plusieurs fois, la machine ne supportant pas que l'on ne présente pas le billet de manière ad hoc. Maudite machine!
D'après les panneaux affichant la composition du train n° 9866, la voiture s'arrêtera dans la zone W. Elle lève les yeux et constate qu'elle est bien sous la lettre W. Elle ne s'est pas trompée. Pourvu que le conducteur du train ne se trompe pas non plus. Qu'il freine trop tôt ou trop tard et elle sera obligée de courir pour arriver devant la bonne porte, la porte de sa voiture.
La vieille dame regarde autour d'elle et constate qu'il n'y a presque personne dans la zone W. Elle se dit que ça vaut mieux que d'être trop nombreux, chacun essayant d'être le premier pour monter dans le wagon. Mais elle pense à sa valise qu'elle devra soulever pour la poser dans le train avant d'y monter elle-même. "C'est bien pratique les roulettes, mais devant les marches d'un train, ça ne sert plus à rien" se dit-elle.
Elle calcule mentalement le nombre de kilomètres qu'elle a dû faire avant d'être sur ce quai de gare où elle est arrivée avec une heure d'avance; les cents ou plutôt les milles pas avant l'annonce de l'arrivée prochaine du train; cette zone W si loin de l'entrée, ...
Finalement le train arrive et s'arrête. La porte de la voiture n° 8, pile face à elle. Au moment où elle s'apprête à saisir sa valise, elle entend une voix derrière elle : "Puis-je vous aider Madame?" Elle se retourne et se trouve face à un jeune homme. "Oh, oui. Merci." , minaude-t-elle avant de s'apercevoir qu'il est affublé d'un gilet rouge avec le sigle SNCF sur la poche de poitrine. "Dommage"pense-t-elle en son for intérieur.
Quand le train a redémarré, qu'elle a posé sa valise dans l'espace prévu à cet effet dans le wagon, non loin de son siège (surtout pas sur la plate-forme où s'entassent déjà plusieurs bagages, on ne sait jamais ...), la vieille dame s'assied enfin.
A côté d'elle, une jeune fille, les écouteurs sur les oreilles, qui l'a à peine saluée quand elle s'est assise. "Au moins, celle-ci ne va pas me raconter sa vie, pense-t-elle, contrairement à cet homme qui, lors d'un voyage précédent, avait tenu le crachoir pendant trois heures alors que j'essayais vainement de lire."
Et dire que ce trajet ne fait que commencer. Heureusement que sa nièce lui a promis de venir la chercher à l'arrivée. "Tu restes bien sur le quai, avait-elle ajouté. Je viendrai avec un fauteuil roulant. Comme ça tu ne devras pas te coltiner les escalators, la salle des pas perdus, les escaliers sans fin qui mènent au parking."
"Mais pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt, se dit la vieille dame, au lieu d'angoisser déjà à l'idée du retour?De songer à la longueur du quai, aux escaliers ou à l'ascenseur vitré, à cette passerelle qui enjambe les rails pour accéder au bâtiment principal.Maudite passerelle que j'emprunte chaque fois en m'accrochant à la rambarde par crainte d'être prise de vertige.Je me verrais bien comme la reine d'Angleterre saluant la foule depuis son carrosse.En attendant, pourvu que je ne doive pas aller faire pipi : je n'arriverais jamais jusqu'aux toilettes avec les cahots de ce train."
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