Les 5 sens / Judith

Atelier d’écriture du 17 juin 2020, animé par Francis

Ecrire une histoire qui fait intervenir les 5 sens

Les 5 sens

Vous allez tout savoir de mes nuits parce que le meilleur moment de la journée est celui où je me mets au lit.

Dès que la lumière est éteinte, je profite de l'obscurité. Ce n'est pas le noir total mais la chambre est plongée dans une pénombre qui me permet encore de distinguer, par la porte laissée ouverte, le séjour baigné par l'éclairage public. Par la fenêtre, sans volets ni tentures, je peux contempler les étoiles ou le cheminement de la lune. L'idéal étant ces nuits de pleine lune où je me positionne de telle façon dans le lit que c'est comme si c'était le soleil qui m’inondait de ses rayons. Sur les murs, les phares des voitures qui passent au loin laissent des traces fugitives et pâlottes.

La tête sur l'oreiller, je respire un grand coup et c'est toute la Provence qui s'impose grâce à l'odeur de lavande dont les draps sont imprégnés. Parfois même, en été, j'ajoute quelques gouttes d'essence de lavandin sur la taie : cela, paraît-il, écarte les moustiques mais surtout cela sent si bon.

Puis je tends l'oreille. Le hululement de la chouette ou les coassements des grenouilles me ravissent; je souris s'il pleut : c'est la terre qui va être contente; mais je râle quand c'est un chien qui aboie ou une mobylette pétaradante qui passe.

Et je cumule les nuits d'orage : c'est généralement le tonnerre qui me réveille. Si la chambre est violemment éclairée, je commence alors à compter les secondes, histoire de savoir si l'orage est loin ou non, alliant ainsi la vue, l'ouïe, ...et le calcul.

Que ce soit l'hiver sous la couette ou l'été sous le drap, arrive le moment où j'ai trop chaud. Je cherche d'abord un endroit plus frais avec mes pieds et mes jambes et quand je l'ai trouvé, j'y glisse voluptueusement tout mon corps. Je peux alors me rendormir jusqu'à la prochaine fois.

Mon problème c'est le goût. Pour cela, il faut que je fasse un rêve. Par exemple, si je mange une pêche ou des abricots, ces fruits ont toujours le goût d'antan, le goût qu'ils avaient du temps de ma jeunesse (il faudrait vraiment que j'en parle à mon psy). Si c'est un cauchemar, j'ai plutôt une sensation de sang dans la bouche (mon psy aura du boulot).

Au matin, la sensation du carrelage sous mes pieds, l'odeur du café, le goût de la confiture sur la tartine, le chant des oiseaux, la couleur du ciel, si tout cela fait que je me lève, pas trop tôt tout de même, je me dis toujours : "vivement ce soir, qu'on se couche".