Coeur Absent / Francis
- lecameleon83
- 1 mai 2020
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 mai 2020
Atelier d’écriture en période confinée N°1
Une histoire courte sur le thème de l’évasion et selon les règles suivantes :
1/ Dans le dernier livre que vous avez lu (ou celui que vous êtes en train de lire), prenez le premier substantif qui apparaît dans la première page. Puis le premier adjectif de la page N° 40. Vous pouvez ajouter un article et accorder le tout. Ce sera le titre de votre histoire.
2/ Comptez combien il y a de voyelles dans votre prénom. Ce sera le nombre de personnages de votre histoire.
4/ Un petit bonus : ajoutez dans l’histoire un animal dont le nom commun commence par la même lettre que votre nom de famille.

Coeur Absent
En rentrant chez lui, comme tous les soirs, le professeur Razatroc, directeur du département d’archéologie mésoaméricaine à l’INA (Institut National d‘Archéologie), va devoir raconter une belle histoire à Caroline, sa fille de six ans. C’est le rite du soir, avant qu’elle ne s’endorme. Ce soir elle a choisi : elle veut une histoire de belette. Le professeur extrait de sa mémoire la fable de La Fontaine « Le chat, la belette et le petit lapin ». Caroline n’est pas rassurée. Pour réussir à s’endormir, elle devra serrer dans ses bras sa grande poupée de son…
Revenu dans son bureau, le professeur doit maintenant préparer sa conférence de demain, sur les rites cérémoniels des anciens Mayas. Et comme il aime bien captiver son auditoire, il a décidé de traiter le sujet en se mettant dans la peau de la victime du sacrifice que le grand prêtre va accomplir tout là-haut, sur la plate forme de la Grand Pyramide.
C’est le grincement de la porte du cachot qui m’a réveillé. Et tout de suite, j’ai compris. La lueur des torches, des pas précipités dans le souterrain, au loin la rumeur des chants psalmodiés par la foule. Ils m’ont attaché, pieds et poings liés, à une longue perche qu’ils ont hissée sur leurs épaules. Et c’est dans cette position douloureuse qu’ils m’ont emmené, pantelant, le long de sombres galeries, jusqu’à l’acropole où une foule en délire attendait la célébration. Lentement, les deux porteurs ont gravi l’escalier abrupt qui mène, au long des neuf paliers représentatifs du monde de Xibalba, vers la chambre des sacrifices.
Tout au long de notre périlleuse ascension, qui impose à mes porteurs de multiples précautions, mes yeux ne peuvent se détacher du ciel d’encre qui nous domine. Pas une étoile. Rien d’autre que le rougeoiement des torches que brandissent mes bourreaux. Et par delà les chants psalmodiés par la foule, le grondement sinistre des tambours s’associe à celui d’un orage qui s’approche. Encore quelques marches. Quelques pas. Je sais que mon sacrifice est destiné aux dieux, que mon sang va leur apporter l’énergie dont ils ont soif, que mon cœur leur sera présenté comme la plus sublime des offrandes, car je suis le plus noble des prisonniers, le prince Xiuhtecuhtli…
Nous sommes arrivés sur la plus haute plateforme de la grande pyramide. Me voilà étendu sur la pierre du sacrifice. Les prêtres se préparent. Ils sont cinq pour l’instant. Quatre d’entre eux se saisissent de mes membres, le cinquième me tient la tête. On me fait boire une étrange mixture qui me fait chavirer. Plus de conscience, plus de sensations, le ciel tournoie autour de moi. Dans un éclair de lucidité, je vois s’approcher un géant emplumé. Il manie avec majesté sa lame d’obsidienne. Mais voici que jaillit du ciel un éclair aveuglant, illuminant un instant l’épouvantable scène, presque aussitôt suivi d’un terrifiant grondement …. Un geste fulgurant et le poignard s’abat … sur une vulgaire poupée de chiffon… Cœur absent …
Un éclair démesuré, suivi instantanément d’un puissant coup de tonnerre : « Papa ! Viens ! Vite ! J’ai peur !» hurle Caroline. Le professeur Razatorc a bien du mal à comprendre ce qui lui arrive. Il émerge de son rêve, le corps trempé de sueurs froides. Il court vers la chambre de sa fille. Il la prend dans ses bras. Il la rassure. Pourtant, il s’est passé quelque chose d’étrange. De très étrange, oui. Ni lui ni Caroline n’ont plus jamais retrouvé la moindre trace de la poupée de son.
Comments