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La carte postale / Francis

Atelier d’écriture du 6 novembre 2019, animé par Daijna


Ecrire un texte à partir des 3 objets ci dessous



La carte postale


Le climat de la Saintonge n'est pas toujours clément. Et si les rues d'Arvert, sous un beau ciel bleu, présentent un certain charme, la grisaille et la bruine qui sévissent depuis le nouvel an les ont transformées en un morne bourbier. Cela t'a incité à rester à ta table de travail.

En ce début d'année, tu t'es promis de mettre un point final à ce manuscrit dont tu as mis tant de temps à rassembler la documentation : "Les martyrs huguenots en Basse-Saintonge".


Mais te voilà dérangé : on frappe à ta porte. Sans doute une de tes ouailles, qui vient chercher conseil ou réconfort moral. C'est ton devoir : quand on est pasteur, on se doit d'être disponible. Mais lorsque tu ouvres la porte, tu te trouves en face d'Albert. Il a beau être couvert de sa grande capote cirée noire, il ruisselle sous l'averse.

- Bonjour Augustin, murmure le facteur, en ôtant son képi bleu marine, trempé lui aussi .

- Entre donc un moment, viens te réchauffer un peu. Une tasse de café ?

- C'est pas d'refus, avec ce temps de chien, heureusement que ma tournée est presque finie


La cafetière est posée sur le poêle à bois, le café est encore chaud.

- Merci Augustin ! Et je t'apporte des nouvelles.

Albert a soulevé le rabat de sa sacoche de cuir et en extrait une belle carte postale.

- Bien mignonne la bédouine, dit-il en te la tendant, un large sourire aux lèvres

- En effet, bredouilles-tu, mais le timbre vert est bien beau lui aussi !


La tasse de café est vite avalée. Albert est pressé, il est déjà reparti. Et toi, tu regardes cette carte postale avec émotion. Le timbre représente la grande mosquée de Kérouan. Tout un symbole de la Tunisie. Un pays que tu ne connais pas. Et que tu ne connaîtras sans doute jamais... Et pourtant !

Tu reviens te rasseoir à la table. Et tu retournes le carton encore un peu humide.

« Souhaits affectueux pour 1908 ». Signé Germaine et Paul.

Et c'est un flot de souvenirs qui affluent à ta mémoire.


Il y a dix ou douze ans, tu ne sais plus trop, tu les avais bien connus, Germaine et Paul. Deux gamins inséparables et tellement espiègles. Et lors des séances de catéchèse à « l'école du dimanche », tu avais eu bien des occasions de les rappeler à l'ordre. Tu te souviens de ce jour où Germaine, rêveuse, avait échappé à ton sermon en « écoutant la mer », ce furent ses mots d'excuse, en collant son oreille à un coquillage. Tu avais dû le lui confisquer. A regret.


Quant à Paul, c'est un couteau que tu lui avais dû lui prendre : il avait commencé à graver la forme d'un cœur sur sa table... D'ailleurs, ce couteau, tu l'avais gardé ! Trop dangereux pour un petit garçon... Par ailleurs, l'avais-tu cru quand il t'avait expliqué qu'il tenait ce couteau d'un marin marseillais qu'il disait avoir croisé en allant avec son père sur le port du Chapus à Bourcefranc ?


Tous deux avaient grandi, avaient fini par se fiancer, et l'an dernier, ils t'avaient demandé ta « bénédiction nuptiale ». Et puis, ils étaient partis. Lui était cheminot. Il avait trouvé du travail avec la Compagnie des chemins de fer Bône-Guelma, qui développait le réseau ferré entre la Tunisie et l'Algérie. Ils vivaient maintenant à Gafour, à deux pas de la gare récemment construite sur la nouvelle ligne, non loin de Tunis.


Pensif, tu reposes la carte postale devant toi et pars en rêve les rejoindre.

« Les martyrs huguenots en Basse-Saintonge » attendront encore un peu...

Ah l'exotisme !



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